Les geysers bouillonnants de Rotorua

Nichés au cœur de l'île du Nord de la Nouvelle-Zélande, les geysers bouillonnants de Rotorua représentent l'une des manifestations géothermiques les plus spectaculaires de notre planète. Cette région volcanique active attire chaque année des milliers de visiteurs fascinés par ses paysages lunaires, ses colonnes d'eau brûlante jaillissant spontanément et ses bassins de boue en perpétuelle ébullition. L'activité géothermique de Rotorua ne se limite pas à un simple spectacle naturel — elle constitue l'essence même de l'identité régionale, influençant profondément l'histoire, la culture et le mode de vie des populations locales, en particulier des Maoris qui entretiennent une relation spirituelle millénaire avec ces manifestations telluriques. Entre nuages de vapeur et odeurs caractéristiques de soufre, Rotorua offre une immersion saisissante dans les entrailles bouillonnantes de notre terre.

Phénomène géothermique de rotorua : origines et formation des geysers

Pour comprendre l'extraordinaire activité géothermique de Rotorua, il faut d'abord s'intéresser à sa position géographique stratégique. Située sur la fameuse "Ceinture de feu du Pacifique", cette région s'inscrit dans l'une des zones tectoniques les plus actives au monde. Les geysers et sources chaudes de Rotorua sont le résultat direct de la rencontre entre la plaque tectonique du Pacifique et celle de l'Indo-australienne, créant une zone de subduction où le magma remonte près de la surface terrestre, réchauffant ainsi les nappes phréatiques.

Cette activité volcanique sous-jacente est relativement récente à l'échelle géologique, remontant principalement aux derniers 250 000 ans. La présence de cette chaleur intense à proximité de la surface génère un système hydrothermal complexe où l'eau de pluie s'infiltre profondément dans le sol, se réchauffe au contact des roches volcaniques et remonte chargée de minéraux dissous. C'est précisément ce processus qui donne naissance aux différentes manifestations géothermiques observables à Rotorua, des geysers aux mares de boue en passant par les fumerolles et les sources chaudes.

La caldeira d'okataina et son impact sur l'activité géothermique

Au cœur du système géothermique de Rotorua se trouve la caldeira d'Okataina, une immense dépression volcanique formée il y a environ 240 000 ans suite à une éruption cataclysmique. Cette structure géologique majeure, qui s'étend sur plus de 20 kilomètres de diamètre, constitue l'un des huit centres volcaniques de la Zone Volcanique de Taupo. Sa présence joue un rôle déterminant dans l'intensité et la concentration des phénomènes géothermiques observés dans la région.

La caldeira d'Okataina abrite plusieurs dômes volcaniques plus récents, dont le mont Tarawera, tristement célèbre pour son éruption dévastatrice de 1886 qui modifia considérablement le paysage local et détruisit les légendaires terrasses roses et blanches, autrefois considérées comme la huitième merveille du monde. Ce complexe volcanique crée une zone de fragilité dans la croûte terrestre, permettant aux fluides hydrothermaux de circuler plus facilement et expliquant ainsi la densité exceptionnelle de manifestations géothermiques sur un territoire relativement restreint.

Processus hydrothermaux et mécanismes d'éruption des geysers

Le fonctionnement d'un geyser répond à un mécanisme physique fascinant qui combine pression, température et confinement. Dans les profondeurs souterraines de Rotorua, l'eau s'infiltre à travers un réseau de fissures et atteint des zones où la température dépasse largement les 100°C. Pourtant, cette eau ne se transforme pas immédiatement en vapeur grâce à la pression exercée par la colonne d'eau située au-dessus.

Lorsque cette eau surchauffée remonte vers la surface, la pression diminue progressivement jusqu'à atteindre un point critique où l'eau se vaporise soudainement. Ce changement d'état provoque une expansion volumique considérable qui expulse violemment l'eau restante dans le conduit, créant ainsi l'éruption spectaculaire du geyser. Les caractéristiques propres à chaque geyser — hauteur, durée et fréquence des éruptions — dépendent directement de la configuration unique de son réseau souterrain de cavités et de conduits.

L'équilibre entre l'apport de chaleur magmatique et la recharge en eau de pluie détermine la pérennité et la régularité d'un geyser. Tout changement dans cet équilibre fragile peut modifier drastiquement son comportement, voire entraîner sa disparition.

Composition minérale unique des sources bouillonnantes

Les eaux thermales de Rotorua sont remarquables par leur composition chimique exceptionnellement riche et diversifiée. Au contact des roches volcaniques chauffées, l'eau dissout une grande variété de minéraux qui lui confèrent des propriétés uniques et créent les paysages colorés caractéristiques de la région. La silice constitue l'un des composants majeurs, formant au fil du temps des dépôts solides autour des sources et geysers, créant ainsi des terrasses, des cônes et autres formations sculpturales.

Le soufre, omniprésent dans la région, se combine avec l'hydrogène pour former le fameux sulfure d'hydrogène ( H₂S ) responsable de l'odeur caractéristique "d'œuf pourri" qui imprègne l'atmosphère de Rotorua. Cette substance, bien que désagréable pour l'odorat humain, joue un rôle crucial dans l'écosystème local et contribue aux propriétés thérapeutiques attribuées à ces eaux.

D'autres éléments comme le calcium, le magnésium, le sodium et divers métaux lourds sont également présents en quantités variables selon les sites, créant une mosaïque de compositions chimiques qui se traduit visuellement par une palette impressionnante de couleurs — du blanc laiteux au rouge vif en passant par des nuances de jaune, d'orange et de vert.

Datation géologique des champs géothermiques de taupo

Les études géochronologiques révèlent que l'activité géothermique dans la Zone Volcanique de Taupo a débuté il y a environ 1,6 million d'années. Cependant, les champs géothermiques spécifiques de Rotorua sont considérablement plus jeunes, avec une activité hydrothermale continue remontant à environ 200 000 ans. Les datations au carbone 14 et par thermoluminescence des dépôts de silice indiquent que certains geysers actuellement actifs fonctionnent depuis plusieurs milliers d'années sans interruption majeure.

L'histoire géologique de la région est marquée par des périodes d'intense activité volcanique alternant avec des phases de relative accalmie. Chaque éruption majeure a redessiné le paysage hydrothermal, modifiant le réseau souterrain de failles et de fissures par lesquelles circulent les fluides géothermiques. L'éruption du mont Tarawera en 1886 constitue l'événement le plus récent ayant significativement reconfiguré l'activité géothermique locale, donnant notamment naissance à la vallée volcanique de Waimangu, le plus jeune système géothermal au monde.

Les sites géothermiques emblématiques de rotorua

La région de Rotorua abrite plus d'une vingtaine de zones géothermiques distinctes, chacune possédant ses propres caractéristiques et attractions. Ces sites offrent une diversité remarquable de phénomènes, des imposants geysers aux mares de boue bouillonnante, en passant par des lacs aux couleurs surréalistes et des terrasses de silice scintillantes. Certains de ces sites sont facilement accessibles et aménagés pour les visiteurs, tandis que d'autres restent relativement préservés et sauvages, nécessitant des randonnées guidées pour être découverts en toute sécurité.

La concentration exceptionnelle de ces merveilles géothermiques sur un territoire relativement restreint fait de Rotorua une destination unique au monde pour observer et comprendre ces phénomènes naturels. Chaque site raconte une partie différente de l'histoire géologique de la région et offre une expérience sensorielle particulière, entre couleurs extraordinaires, formations géologiques étonnantes et cette ambiance mystique créée par les nuages de vapeur qui s'élèvent continuellement du sol.

Whakarewarewa : le village thermal maori et le geyser pohutu

Situé aux portes de la ville de Rotorua, Whakarewarewa constitue un site exceptionnel où l'activité géothermique et la culture maorie se rencontrent harmonieusement. Ce village historique, habité depuis des générations par le peuple Tuhourangi Ngati Wahiao, offre une immersion unique dans un mode de vie façonné par la présence constante des forces géothermiques. Les habitants continuent d'utiliser quotidiennement les sources chaudes pour la cuisine, le chauffage et les bains, perpétuant des traditions ancestrales.

Le joyau de Whakarewarewa est sans conteste le geyser Pohutu, véritable symbole de Rotorua, qui projette ses eaux bouillonnantes jusqu'à 30 mètres de hauteur. Avec ses éruptions spectaculaires survenant jusqu'à 20 fois par jour et pouvant durer plusieurs minutes, il figure parmi les geysers les plus actifs et les plus prévisibles au monde. À proximité immédiate se trouve le Prince of Wales Feathers, un geyser plus petit qui précède généralement les éruptions de Pohutu, servant ainsi d'indicateur naturel pour les visiteurs patients.

Les visites guidées de Whakarewarewa, conduites par des descendants des habitants originels, offrent une perspective culturelle enrichissante sur la relation symbiotique entre les Maoris et leur environnement géothermal. Ces guides partagent non seulement leur connaissance des phénomènes naturels, mais aussi les légendes, traditions et techniques ancestrales liées à l'utilisation de ces ressources géothermiques.

Te puia et ses formations de silice multicolores

Te Puia, situé dans la vallée géothermique de Whakarewarewa, abrite non seulement le célèbre geyser Pohutu, mais aussi une impressionnante collection de formations de silice aux couleurs variées. Ces dépôts minéraux, qui se forment au fil des siècles lorsque l'eau surchargée en silice s'évapore, créent des terrasses, des cônes et des sculptures naturelles aux teintes allant du blanc immaculé à l'ocre profond.

Outre son patrimoine géothermal, Te Puia joue un rôle culturel crucial en tant que siège du New Zealand Māori Arts and Crafts Institute. Ce centre préserve et transmet les savoir-faire traditionnels maoris comme la sculpture sur bois, le tissage et l'art du tatouage. Les visiteurs peuvent observer les artisans à l'œuvre et découvrir comment les ressources géothermiques ont influencé le développement de ces pratiques artistiques.

Les sentiers aménagés de Te Puia permettent d'explorer en toute sécurité un paysage lunaire ponctué de bassins bouillonnants, de fumerolles sifflantes et de mares de boue en perpétuelle ébullition. La nuit, des visites guidées offrent une perspective différente sur l'activité géothermique, avec les éruptions de Pohutu magnifiquement illuminées contre le ciel nocturne, créant un spectacle véritablement magique.

Wai-o-tapu et son célèbre champagne pool

Wai-O-Tapu, dont le nom maori signifie "eaux sacrées", est souvent considéré comme le plus coloré et le plus diversifié des parcs géothermiques de Rotorua. S'étendant sur environ 18 km², ce site offre un festival visuel extraordinaire de couleurs et de textures, résultat direct des interactions complexes entre les minéraux dissous et les micro-organismes qui peuplent ces environnements extrêmes.

L'attraction principale de Wai-O-Tapu est sans conteste le "Champagne Pool", un immense bassin d'eau chaude de 65 mètres de diamètre dont la surface bouillonne constamment comme du champagne, d'où son nom évocateur. Formé il y a environ 700 ans suite à une éruption hydrothermale, ce bassin présente une eau bleu-vert turquoise entourée d'un spectaculaire rebord orange-rouge composé de dépôts d'orpiment et de réalgar, des minéraux riches en arsenic et en antimoine.

D'autres merveilles ponctuent ce parc extraordinaire, comme la "Artist's Palette", une vaste zone où les eaux acides chargées de minéraux créent une mosaïque de couleurs évoquant la palette d'un peintre, ou encore le "Devil's Bath", un étonnant bassin d'un vert fluorescent produit par des composés soufrés et des dépôts de soufre colloïdal. Le site abrite également le geyser Lady Knox, qui entre fidèlement en éruption chaque jour à 10h15, stimulé par l'ajout d'un savon écologique qui réduit la tension superficielle de l'eau.

Hell's gate : les cascades de boue sulfureuse de tikitere

Hell's Gate, connu en maori sous le nom de Tikitere, représente la zone géothermique la plus active et la plus sulfureuse de Rotorua. Ce site d'environ 50 hectares doit son nom occidental à George Bernard Shaw qui, impressionné par l'aspect infernal du paysage lors de sa visite au début du 20e siècle, déclara que ce devait être l'entrée des enfers. Avec ses températures extrêmes atteignant jusqu'à 110°C dans certains bassins, Hell's Gate offre un aperçu saisissant de la puissance brute des forces géothermiques.

Les cascades de boue sulfureuse constituent l'une des caractéristiques les plus impressionnantes du site. Ces formations uniques se créent lorsque l'acide sulfurique, produit par l'oxydation du sulfure d'hydrogène, dissout les roches volcaniques pour former une boue argile

use graysonore et forme une boue argileuse épaisse et visqueuse qui se déplace lentement à travers le paysage. Ces cascades de boue, constamment alimentées par l'activité souterraine, créent un tableau en perpétuel mouvement, hypnotisant les visiteurs par leur lente progression et leur bouillonnement continu.

Parmi les autres attractions notables de Hell's Gate figurent l'impressionnant "Inferno Crater", le plus grand bassin d'eau chaude de la Nouvelle-Zélande avec ses 36 000 litres d'eau acidifiée à 80°C, et le "Kakahi Falls", la plus grande cascade d'eau chaude de l'hémisphère sud. Le site est également renommé pour son spa de boue médicinale, où les visiteurs peuvent s'immerger dans une boue sulfureuse aux propriétés thérapeutiques reconnues pour soulager diverses affections cutanées et articulaires.

Une particularité fascinante de Hell's Gate réside dans son utilisation ancestrale par les guérisseurs maoris, qui exploitaient les différentes températures et compositions des bassins pour traiter spécifiquement diverses maladies. Cette tradition médicinale se perpétue aujourd'hui à travers les soins proposés dans le spa moderne, alliant ainsi patrimoine culturel et bien-être contemporain.

Waimangu volcanic valley et le lac inferno

La vallée volcanique de Waimangu possède le statut unique d'être le plus jeune écosystème géothermal au monde. Née de la catastrophique éruption du Mont Tarawera en 1886, cette vallée offre l'opportunité exceptionnelle d'observer l'évolution d'un système géothermal depuis sa création. Contrairement aux autres sites de Rotorua qui existent depuis des millénaires, Waimangu présente un aperçu fascinant des premiers stades de développement d'un complexe hydrothermal.

Au cœur de cette vallée se trouve le lac Inferno (Frying Pan Lake), le plus grand lac d'eau chaude acidifiée au monde. Avec une température constante d'environ 55°C et une superficie de 38 000 m², ce lac bouillonnant s'est formé dans un cratère créé par une violente explosion hydrothermale en 1917. Sa surface constamment agitée par des bulles de gaz évoque effectivement une gigantesque poêle à frire en ébullition, justifiant parfaitement son appellation pittoresque.

La vallée de Waimangu constitue un laboratoire naturel exceptionnel pour les scientifiques, offrant une occasion unique d'étudier la colonisation et l'adaptation des organismes dans un environnement nouvellement créé et extrêmement hostile.

Non loin se trouve l'intrigant Inferno Crater, un bassin dont le niveau d'eau fluctue de façon cyclique sur une période de 38 jours environ. Cette curiosité hydrogéologique s'explique par un système complexe de siphons souterrains connectant ce bassin à d'autres réservoirs hydrothermaux de la vallée. Lors de ses phases de remplissage, le lac affiche une extraordinaire couleur bleu cobalt due à la dispersion de la lumière à travers ses eaux fortement minéralisées et extrêmement acides (pH 2,1).

Propriétés chimiques et caractéristiques des eaux thermales

Les eaux thermales de Rotorua constituent un fascinant sujet d'étude pour les géochimistes du monde entier. Ces liquides, loin d'être de simples solutions aqueuses chauffées, représentent de véritables cocktails chimiques dont la composition varie considérablement d'un site à l'autre, reflétant les particularités géologiques du sous-sol qu'elles traversent. Cette diversité chimique explique non seulement les différentes couleurs, textures et comportements observables en surface, mais aussi les propriétés thérapeutiques spécifiques attribuées à certaines sources.

L'analyse détaillée de ces eaux révèle une extraordinaire richesse en éléments dissous : silice, soufre, chlorures, sodium, potassium, calcium, magnésium, fer, arsenic, antimoine, mercure et bien d'autres encore. Les concentrations de ces éléments peuvent atteindre des niveaux stupéfiants, parfois plusieurs milliers de fois supérieurs à ceux observés dans les eaux naturelles ordinaires. Cette charge minérale exceptionnelle, combinée à des températures élevées et des conditions souvent extrêmes d'acidité ou d'alcalinité, crée des environnements chimiques uniques qui défient les lois habituelles de la solubilité.

Concentration en soufre et acidité variable des bassins

Le soufre constitue l'élément chimique emblématique de Rotorua, immédiatement perceptible par l'odeur caractéristique qu'il confère à l'atmosphère de la région. Présent sous diverses formes - sulfure d'hydrogène (H₂S), dioxyde de soufre (SO₂), soufre élémentaire (S), sulfates (SO₄²⁻) et acide sulfurique (H₂SO₄) - il joue un rôle fondamental dans la chimie des eaux géothermales et dans l'apparence visuelle des sites.

Les concentrations en composés soufrés varient considérablement d'un bassin à l'autre, allant de quelques parties par million à plusieurs milliers de mg/L. Cette variabilité s'explique par les différents processus géochimiques à l'œuvre : oxydation du sulfure d'hydrogène en surface, réduction des sulfates par des bactéries spécialisées, précipitation du soufre colloïdal en conditions acides, ou dissolution des roches volcaniques riches en soufre. Chaque processus génère une signature chimique distincte qui influence directement l'acidité des eaux.

L'extraordinaire gamme de pH rencontrée dans les bassins de Rotorua constitue une autre caractéristique remarquable. Certaines sources, comme celles de Wai-O-Tapu, peuvent atteindre une acidité extrême avec des pH inférieurs à 2 (comparable à l'acide de batterie), tandis que d'autres, notamment à Orakei Korako, présentent des conditions alcalines avec des pH supérieurs à 8. Cette variabilité d'acidité explique les différentes palettes de couleurs observées : les environnements très acides favorisent généralement les teintes jaunes, oranges et rouges dues aux composés ferriques et au soufre, tandis que les milieux neutres à alcalins développent plutôt des nuances de bleu, de vert et de blanc liées aux silicates et carbonates.

Pigmentation bactérienne thermophile des sources chaudes

Les couleurs extraordinaires qui caractérisent les bassins géothermiques de Rotorua ne sont pas uniquement dues aux minéraux dissous, mais résultent souvent de l'activité de micro-organismes extrêmophiles qui ont évolué pour prospérer dans ces conditions hostiles. Ces bactéries thermophiles (aimant la chaleur) et acidophiles (tolérant l'acidité) forment des tapis microbiens aux teintes vibrantes qui tapissent les contours des sources et les canaux d'écoulement, créant de véritables "rivières arc-en-ciel".

Chaque espèce bactérienne occupe une niche écologique précise définie par des paramètres spécifiques de température et de composition chimique. Les cyanobactéries et algues vertes dominent dans les zones périphériques plus froides (30-45°C), créant des teintes d'un vert éclatant. Les filaments oranges et rouges correspondent généralement à des bactéries comme Thermus aquaticus qui prospèrent à des températures moyennes (45-70°C), tandis que les zones les plus chaudes (70-90°C) abritent des archées hyperthermophiles comme Sulfolobus aux teintes jaune soufre.

L'une des bactéries les plus fascinantes de ces écosystèmes est sans doute Thermus aquaticus, découverte dans les sources chaudes de Yellowstone mais également présente à Rotorua. Cet organisme a révolutionné la biologie moléculaire grâce à sa Taq polymérase, enzyme résistante à la chaleur qui a rendu possible la technique de PCR (réaction en chaîne par polymérase) utilisée aujourd'hui dans les tests COVID-19, les analyses ADN forensiques et d'innombrables applications biotechnologiques. Cette découverte illustre parfaitement le potentiel scientifique et économique encore largement inexploré de ces écosystèmes uniques.

Cycles d'activité et prédictibilité des geysers majeurs

Contrairement aux idées reçues, les geysers ne fonctionnent pas de manière totalement aléatoire. Chaque geyser possède son propre "rythme" d'éruption, déterminé par la configuration spécifique de son système de cavités souterraines, le flux de chaleur qu'il reçoit et son approvisionnement en eau. À Rotorua, les scientifiques étudient méticuleusement ces cycles pour comprendre les facteurs qui influencent la régularité des éruptions et, dans certains cas, pour établir des prévisions relativement fiables à l'intention des visiteurs.

Le geyser Pohutu, véritable emblème de Rotorua, présente un cycle d'activité parmi les plus réguliers et prévisibles au monde. Ses éruptions surviennent toutes les 30 à 45 minutes en moyenne, atteignant des hauteurs impressionnantes de 20 à 30 mètres et durant généralement plusieurs minutes. Cette régularité s'explique par un système relativement simple de chambre de vapeur qui se remplit progressivement jusqu'à atteindre une pression critique. Le geyser voisin, "Prince of Wales Feathers", sert d'indicateur naturel de l'imminence d'une éruption de Pohutu, commençant à jaillir quelques minutes avant ce dernier.

D'autres geysers de la région présentent des comportements plus complexes, avec des cycles irréguliers ou des périodes de dormance. Le Lady Knox Geyser, par exemple, possède naturellement un cycle erratique, raison pour laquelle une "aide" humaine sous forme de savon écologique est utilisée quotidiennement pour déclencher son éruption à heure fixe. Cette pratique, bien qu'artificielle, s'inscrit dans une longue tradition remontant à la découverte accidentelle de cet effet par des prisonniers qui lavaient leur linge dans la source au début du 20e siècle.

Écosystèmes microbiens extrêmophiles de rotorua

Les environnements géothermiques de Rotorua constituent des "îles" écologiques abritant des communautés microbiennes uniques qui ont évolué pour survivre dans des conditions que la plupart des organismes considéreraient comme létales. Ces écosystèmes extrêmes, caractérisés par des températures élevées, une forte acidité et des concentrations toxiques en métaux lourds et composés soufrés, sont dominés par des procaryotes (bactéries et archées) hautement spécialisés dont beaucoup restent encore à découvrir et à étudier.

Les recherches menées sur ces micro-organismes extrêmophiles ont révélé des adaptations biochimiques stupéfiantes : membranes cellulaires enrichies en lipides saturés pour résister à la chaleur, protéines structurellement modifiées pour maintenir leur fonction à haute température, mécanismes de réparation de l'ADN ultra-efficaces, et voies métaboliques uniques permettant d'utiliser comme source d'énergie des composés inorganiques comme le soufre, le fer ou l'hydrogène. Certaines espèces découvertes à Rotorua peuvent même survivre dans de l'acide sulfurique concentré ou à des températures dépassant le point d'ébullition de l'eau.

Au-delà de leur intérêt fondamental pour comprendre les limites de la vie sur Terre, ces micro-organismes représentent une ressource biotechnologique inestimable. Leurs enzymes thermostables trouvent des applications dans de nombreux processus industriels, depuis le traitement des textiles jusqu'à la production de biocarburants, en passant par l'extraction minière et la dépollution des sols. Certains composés antimicrobiens produits par ces bactéries sont également étudiés pour leur potentiel pharmaceutique face à l'émergence de pathogènes résistants aux antibiotiques conventionnels.

Culture maorie et relation ancestrale avec les thermes

Pour le peuple maori, les manifestations géothermiques de Rotorua ne représentent pas seulement des curiosités naturelles, mais constituent des éléments fondamentaux de leur identité culturelle et spirituelle. Établis dans la région depuis plus de 600 ans, les Maoris ont développé une relation profonde et symbiotique avec cet environnement unique, intégrant les phénomènes géothermiques dans leur cosmogonie, leurs pratiques quotidiennes et leurs traditions médicinales.

Les tribus locales, principalement Te Arawa, considèrent les sources chaudes, geysers et mares de boue comme des dons sacrés des dieux, à utiliser avec respect et gratitude. Cette philosophie a guidé une exploitation ingénieuse et durable des ressources géothermiques bien avant l'arrivée des Européens. Les villages maoris traditionnels de la région étaient stratégiquement positionnés à proximité des zones d'activité géothermique modérée, permettant d'exploiter la chaleur naturelle tout en évitant les dangers des zones les plus actives.

Techniques traditionnelles de cuisson hangi dans les sources thermales

L'une des utilisations les plus emblématiques des ressources géothermiques par les Maoris concerne leurs techniques de cuisson traditionnelles. Le hangi, méthode ancestrale de cuisson à l'étouffée, prend à Rotorua une dimension particulière grâce à l'exploitation directe de la chaleur naturelle du sol. Contrairement au hangi classique qui nécessite de chauffer des pierres dans un feu, le umu ti (four géothermal) utilise directement la vapeur et la chaleur naturelles s'échappant des fissures du sol.

Dans les villages comme Whakarewarewa, des zones spécifiques appelées ngāwhā (sources chaudes) sont utilisées depuis des générations pour la cuisson quotidienne. Des boîtes en bois ou des paniers tressés contenant les aliments sont simplement placés au-dessus de fumerolles judicieusement sélectionnées pour leur température adéquate. D'autres techniques consistent à enterrer les aliments dans des sols géothermiquement chauffés ou à les immerger dans des bassins dont la température est parfaitement adaptée à une cuisson lente.

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