10 villes les plus dangereuses du monde

L'insécurité urbaine représente l'un des défis majeurs du 21e siècle. Chaque année, des millions de personnes vivent dans la crainte quotidienne au sein de métropoles où la violence est devenue endémique. Ces zones urbaines à haut risque partagent souvent des caractéristiques communes : présence de groupes criminels organisés, infrastructures défaillantes, inégalités socio-économiques profondes et institutions fragilisées. Comprendre les dynamiques qui font de certaines villes les plus dangereuses du monde permet non seulement d'appréhender les mécanismes complexes de la violence urbaine, mais aussi d'identifier les stratégies potentielles pour y remédier.

La criminalité urbaine est un phénomène multidimensionnel qui résulte d'une combinaison de facteurs historiques, politiques, économiques et sociaux. Dans certaines régions comme l'Amérique latine, la présence de cartels de drogue transforme des villes entières en champs de bataille, tandis qu'en Afrique, l'héritage colonial et les disparités sociales alimentent des cycles de violence apparemment sans fin. Au Moyen-Orient, l'instabilité politique chronique et les conflits armés ont créé des environnements urbains où la sécurité des citoyens est constamment menacée.

Méthodologie d'évaluation des zones urbaines à haut risque

Indices statistiques criminels utilisés par l'ONU et interpol

Pour mesurer objectivement la dangerosité d'une ville, plusieurs organisations internationales ont développé des méthodologies rigoureuses. L'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et Interpol s'appuient principalement sur des indices statistiques standardisés qui permettent des comparaisons entre différentes zones urbaines à travers le monde. Ces indices incluent non seulement les taux d'homicides, mais également d'autres crimes violents comme les agressions, les vols à main armée, les enlèvements et les violences sexuelles.

La collecte de données s'effectue à travers un réseau de correspondants locaux, d'institutions gouvernementales et d'organisations non gouvernementales qui transmettent régulièrement leurs statistiques criminelles. Ces données brutes sont ensuite soumises à un processus de vérification et de standardisation pour assurer leur comparabilité. L'ONUDC publie régulièrement son "Étude mondiale sur l'homicide" qui constitue l'une des références les plus fiables pour évaluer les niveaux de violence létale à l'échelle internationale.

Impact du taux d'homicides par 100 000 habitants comme indicateur principal

Parmi tous les indicateurs disponibles, le taux d'homicides pour 100 000 habitants s'est imposé comme l' étalon-or pour mesurer la dangerosité d'une zone urbaine. Cette préférence s'explique par plusieurs facteurs : l'homicide est généralement le crime le mieux documenté, le moins susceptible d'être sous-déclaré et celui qui permet les comparaisons les plus fiables entre différents pays aux systèmes judiciaires parfois très disparates.

L'Organisation mondiale de la santé considère qu'un taux supérieur à 10 homicides pour 100 000 habitants caractérise une épidémie de violence. Or, dans les villes les plus dangereuses du monde, ce taux peut atteindre des sommets vertigineux dépassant parfois les 100 homicides pour 100 000 habitants, soit dix fois le seuil épidémique. À titre de comparaison, la moyenne mondiale se situe autour de 6,1, tandis que dans les pays développés, elle oscille généralement entre 1 et 3.

Le taux d'homicides constitue un thermomètre de la violence sociétale, révélant non seulement l'ampleur de la criminalité létale, mais également les dysfonctionnements profonds des structures sociales, économiques et institutionnelles d'une ville.

Critères socio-économiques affectant la dangérosité urbaine

Au-delà des statistiques criminelles pures, plusieurs facteurs socio-économiques sont systématiquement pris en compte pour évaluer la dangerosité d'une zone urbaine. L'indice de Gini, qui mesure les inégalités de revenus, figure parmi les plus pertinents : les villes présentant les écarts de richesse les plus marqués tendent à afficher des taux de criminalité violente plus élevés. Cette corrélation s'explique notamment par le sentiment d'injustice et d'exclusion ressenti par les populations marginalisées.

Le taux de chômage, particulièrement chez les jeunes hommes de 15 à 29 ans, constitue un autre indicateur critique. Dans les villes où ce taux dépasse 40%, les risques de criminalité organisée augmentent significativement, les gangs et cartels représentant souvent la seule opportunité économique pour ces jeunes sans perspective. L'accès à l'éducation, mesuré par le taux d'abandon scolaire, joue également un rôle déterminant : les zones où plus de la moitié des adolescents quittent le système éducatif prématurément deviennent des terrains fertiles pour le recrutement par les organisations criminelles.

La présence et l'efficacité des institutions publiques sont évaluées à travers des indices de gouvernance qui mesurent la corruption, l'état de droit et la confiance des citoyens envers leurs institutions. Les villes où ces indicateurs sont particulièrement faibles se caractérisent généralement par l'existence de zones de non-droit , où les autorités ont de facto abandonné le contrôle territorial à des groupes armés non étatiques.

Limites méthodologiques et biais dans les classements internationaux

Malgré leur utilité, les classements des villes les plus dangereuses comportent plusieurs limites méthodologiques qu'il convient de reconnaître. La qualité inégale des données constitue la première difficulté : dans certaines zones particulièrement instables, les statistiques officielles sont soit inexistantes, soit hautement sujettes à caution. Les autorités locales peuvent être réticentes à communiquer des chiffres qui terniraient l'image de leur ville ou, à l'inverse, manquer des ressources nécessaires pour documenter précisément les incidents violents.

Les frontières administratives posent également problème. Deux villes peuvent présenter des taux d'homicides très différents simplement en raison de délimitations administratives qui incluent ou excluent certains quartiers particulièrement violents. Cette hétérogénéité spatiale de la violence - concentrée dans des points chauds spécifiques - rend les moyennes calculées à l'échelle d'une ville entière parfois peu représentatives de l'expérience vécue par la majorité des habitants.

Enfin, la focalisation excessive sur le taux d'homicides peut occulter d'autres formes de violence tout aussi destructrices pour le tissu social, comme les disparitions forcées, la torture ou les déplacements forcés de population. Une ville présentant un taux d'homicides relativement modéré peut néanmoins être profondément marquée par ces autres manifestations de violence qui échappent aux statistiques conventionnelles.

Caracas et san pedro sula : capitales mondiales de l'insécurité

Caracas : effondrement économique vénézuélien et montée des cartels

Caracas, la capitale du Venezuela, s'est tristement illustrée ces dernières années en occupant régulièrement la première place des classements des villes les plus dangereuses du monde. Avec un taux d'homicides qui a parfois dépassé les 120 pour 100 000 habitants, la métropole vénézuélienne incarne les conséquences dramatiques d'un effondrement économique et institutionnel sans précédent. La chute vertigineuse du cours du pétrole, principale ressource du pays, combinée à une hyperinflation atteignant des millions de pourcentage annuels, a plongé près de 90% de la population dans la pauvreté.

Dans ce contexte apocalyptique, les structures criminelles traditionnelles se sont transformées et amplifiées. Les megabandas , organisations criminelles comptant parfois plusieurs centaines de membres lourdement armés, ont consolidé leur emprise sur des quartiers entiers, instaurant un système parallèle de gouvernance. Le phénomène des pranes - chefs criminels qui contrôlent les prisons vénézuéliennes - illustre la porosité entre les institutions carcérales et les réseaux criminels urbains, créant un continuum de violence qui s'étend des cellules surpeuplées aux barrios marginalisés.

L'incapacité de l'État à assurer les services publics essentiels a créé un vide rapidement comblé par ces structures criminelles qui se présentent parfois comme des bienfaiteurs locaux, distribuant nourriture et médicaments pour gagner la loyauté des habitants. Cette gouvernance criminelle s'accompagne d'une militarisation croissante des quartiers populaires, où les Forces d'Actions Spéciales (FAES) de la police nationale sont accusées de procéder à des exécutions extrajudiciaires massives, ajoutant une couche supplémentaire à la spirale de violence.

San pedro sula : gangs MS-13 et barrio 18 au honduras

San Pedro Sula, deuxième ville du Honduras, a longtemps détenu le sinistre titre de "capitale mondiale du meurtre" avec des taux d'homicides ayant parfois dépassé les 170 pour 100 000 habitants. Cette violence extraordinaire s'explique principalement par la guerre territoriale entre deux gangs transnationaux : la Mara Salvatrucha (MS-13) et le Barrio 18. Ces organisations, nées dans les rues de Los Angeles et "exportées" en Amérique centrale suite aux déportations massives de migrants criminalisés dans les années 1990, ont transformé des quartiers entiers en zones de combat.

La géographie de San Pedro Sula, située sur une route majeure du trafic de cocaïne entre l'Amérique du Sud et les États-Unis, en fait un carrefour stratégique convoité par ces organisations criminelles. Chaque quartier, chaque rue peut marquer la frontière entre les territoires contrôlés par des gangs rivaux, créant une mosaïque mortifère où traverser une simple intersection peut s'avérer fatal. Les tatouages élaborés qui couvrent le corps des membres de ces gangs sont devenus des marqueurs identitaires essentiels dans cette géographie de la terreur.

Le système d'extorsion systématique mis en place par ces gangs constitue un fardeau écrasant pour l'économie locale. De l'humble vendeur de tortillas au propriétaire d'une entreprise de transport, tous doivent payer l' impuesto de guerra (impôt de guerre) sous peine de représailles mortelles. Cette prédation économique généralisée a provoqué la fermeture de nombreux commerces et contribué à une migration massive, notamment des caravanes de réfugiés tentant d'atteindre les États-Unis pour échapper à ce cycle de violence.

Infrastructures défaillantes et zones de non-droit

Tant à Caracas qu'à San Pedro Sula, l'effondrement des infrastructures urbaines exacerbe l'insécurité. L'absence d'éclairage public dans de nombreux quartiers crée des zones d'ombre propices aux activités criminelles. Les coupures d'électricité, quotidiennes dans certains secteurs, plongent régulièrement des pans entiers de ces villes dans l'obscurité, offrant un avantage tactique considérable aux groupes criminels.

Les systèmes de transport public, défaillants ou inexistants dans les quartiers périphériques, contraignent les habitants à emprunter des routes isolées où ils deviennent des cibles faciles pour les voleurs et les gangs. Dans certains secteurs particulièrement dangereux, les services de taxi et même les ambulances refusent de pénétrer, créant des déserts de services où les habitants sont littéralement abandonnés à leur sort.

L'accès à l'eau potable et aux services d'assainissement devient un enjeu de pouvoir dans ces contextes urbains fragmentés. Les groupes criminels contrôlent parfois les points d'approvisionnement en eau, renforçant leur emprise sur les communautés locales. Cette défaillance des services essentiels alimente un cercle vicieux où la précarité matérielle nourrit la violence, qui à son tour détériore davantage les infrastructures.

Témoignages d'habitants et stratégies de survie quotidienne

Face à cette violence omniprésente, les habitants de ces villes ont développé des stratégies de survie remarquables. La première consiste en une cartographie mentale précise des zones à éviter absolument et des horaires où le risque est maximal. Cette géographie de la peur, transmise oralement au sein des communautés, constitue un savoir local essentiel mais tragique.

Les codes vestimentaires deviennent des outils de survie : éviter certaines couleurs associées à des gangs, ne porter aucun signe extérieur de richesse, adopter les codes locaux pour ne pas être identifié comme étranger au quartier. Les téléphones portables, objets particulièrement convoités, sont souvent dissimulés dans les vêtements ou laissés à domicile lors des déplacements à haut risque.

Vivre dans ces villes, c'est développer un sixième sens pour le danger. On apprend à lire les rues, à détecter les signes subtils qui annoncent un problème imminent, à changer instantanément d'itinéraire au moindre doute. Cette hypervigilance permanente est épuisante, mais elle peut faire la différence entre la vie et la mort.

Les réseaux d'entraide communautaire jouent également un rôle crucial : systèmes d'alerte par messagerie instantanée pour signaler des incidents en temps réel, accompagnement des enfants à l'école par rotation entre parents, organisation de patrouilles civiles dans certains quartiers. Ces initiatives citoyennes témoignent d'une résilience extraordinaire face à des conditions de vie que beaucoup jugeraient insupportables.

Villes mexicaines sous l'emprise des cartels

Tijuana et ciudad juárez : guerres territoriales à la frontière américaine

La frontière entre le Mexique et les États-Unis abrite certaines des villes les plus violentes du monde, avec Tijuana et Ciudad Juárez en première ligne. Leur position stratégique en fait des plaques tournantes essentielles pour le trafic de drogue vers le marché américain, le plus lucratif au monde. Tijuana, avec plus de 2 000 homicides en 2022, affiche un taux d'homicides dépassant 100 pour 100 000 habitants, reflétant

une guerre sans merci entre le Cartel de Sinaloa et le Cartel de Jalisco Nouvelle Génération. Cette confrontation directe pour le contrôle des routes de trafic de drogue se manifeste par des vagues d'homicides, des corps mutilés exposés publiquement et des fusillades en plein jour.

Ciudad Juárez, surnommée "la ville des femmes mortes" en raison des féminicides massifs qui y ont été perpétrés depuis les années 1990, a connu des oscillations dramatiques de violence. Après avoir été considérée comme la ville la plus dangereuse du monde entre 2008 et 2011, elle a brièvement renoué avec une relative accalmie avant de replonger dans un cycle de violence ces dernières années, avec un taux d'homicide dépassant 100 pour 100 000 habitants en 2022.

Ces deux villes partagent une caractéristique commune : la présence d'une économie frontalière duale. D'un côté, des zones industrielles relativement sécurisées où s'alignent les maquiladoras (usines d'assemblage) employant des milliers d'ouvriers à bas salaires ; de l'autre, des quartiers informels dépourvus de services de base où s'entassent les migrants venus du sud du Mexique et d'Amérique centrale, main-d'œuvre vulnérable facilement exploitable par les cartels.

Acapulco : du paradis touristique à l'enfer du cartel de sinaloa

Acapulco incarne peut-être la transformation la plus spectaculaire d'une ville mexicaine sous l'emprise des cartels. Cette station balnéaire jadis prisée par les stars d'Hollywood, symbole du glamour mexicain des années 1950-1970, est devenue l'une des villes les plus dangereuses du pays avec un taux d'homicides oscillant entre 80 et 110 pour 100 000 habitants ces dernières années.

Le déclin a débuté dans les années 2000 lorsque le Cartel de Sinaloa, dirigé alors par Joaquín "El Chapo" Guzmán, a identifié la région comme un point d'entrée stratégique pour la cocaïne colombienne. L'assassinat de plusieurs figures du crime local a déclenché une guerre territoriale qui s'est intensifiée avec la fragmentation du cartel de Sinaloa et l'émergence de nouveaux groupes comme Los Rojos et La Barredora, chacun revendiquant sa part du lucratif marché touristique.

L'industrie touristique, pilier économique d'Acapulco, a été la première victime de cette spirale de violence. De nombreux hôtels ont fermé leurs portes, tandis que les taux d'occupation ont chuté dramatiquement. Les plages autrefois bondées accueillent désormais principalement des touristes nationaux, moins sensibles aux avertissements internationaux qui classent la région en zone rouge. Les commerçants doivent payer une cuota (protection) aux groupes criminels, contribuant à l'inflation locale et à la précarisation économique.

Tactiques d'intimidation et contrôle territorial par les narcotrafiquants

Les cartels mexicains ont développé des stratégies sophistiquées pour maintenir leur emprise sur les territoires urbains. La pratique du narcomensaje - messages laissés sur des banderoles ou directement inscrits sur les corps des victimes - constitue un puissant outil de communication visant à terroriser tant les rivaux que la population civile. Ces messages codifiés établissent des règles implicites que les habitants doivent respecter sous peine de représailles brutales.

Le recrutement forcé d'adolescents, parfois dès l'âge de 12 ans, comme halcones (guetteurs) puis progressivement intégrés dans des opérations plus violentes, assure le renouvellement constant des effectifs des cartels malgré les pertes importantes infligées par les forces de sécurité et les groupes rivaux. Dans certaines zones particulièrement isolées, les cartels ont mis en place des points de contrôle illégaux, véritables postes-frontières informels où ils taxent les marchandises et surveillent les déplacements.

La corruption systémique des institutions locales constitue peut-être l'arme la plus redoutable des organisations criminelles. L'expression mexicaine plata o plomo (argent ou plomb) résume brutalement le choix imposé aux fonctionnaires : accepter les pots-de-vin ou mourir. Cette infiltration des structures de gouvernance aboutit à une criminalisation de l'État à l'échelle locale, brouillant dangereusement les frontières entre pouvoir légitime et pouvoir criminel.

Afrique et Moyen-Orient : conflits et insécurité chronique

Cape town et johannesburg : townships et criminalité post-apartheid

L'Afrique du Sud abrite plusieurs des métropoles les plus dangereuses du continent africain, avec Le Cap (Cape Town) et Johannesburg en tête de liste. Le Cap, malgré ses paysages spectaculaires et son secteur touristique florissant, affiche un taux d'homicides dépassant 60 pour 100 000 habitants, concentré principalement dans les townships périphériques comme Khayelitsha, Nyanga et Mitchells Plain.

L'héritage de l'apartheid demeure visible dans la géographie urbaine de ces métropoles, avec une ségrégation spatiale persistante malgré la fin du régime discriminatoire en 1994. Les townships, zones résidentielles densément peuplées initialement créées pour parquer les populations non-blanches, souffrent d'un sous-investissement chronique en infrastructures de base et en services publics. Cette marginalisation structurelle alimente un sentiment d'abandon propice au développement de gangs qui proposent des alternatives économiques illicites mais lucratives.

Les Number Gangs - principalement les 26s, 27s et 28s - constituent un phénomène unique au contexte sud-africain. Ces organisations criminelles, nées dans le système carcéral durant l'apartheid, ont progressivement étendu leur influence aux townships, établissant un contrôle territorial basé sur un système complexe de rituels, hiérarchies et codes de conduite. Leur implication dans le trafic de méthamphétamine (tik en argot local) a considérablement amplifié leur pouvoir économique et leur capacité de nuisance.

Mogadiscio : impact d'Al-Shabab et de l'instabilité somalienne

Mogadiscio, capitale de la Somalie, incarne le paroxysme de l'insécurité urbaine dans un contexte d'État défaillant. Depuis l'effondrement du régime de Siad Barre en 1991, la ville a traversé trois décennies de conflits quasi-ininterrompus, alternant entre guerres claniques, occupation par des seigneurs de guerre et, depuis 2006, menace constante du groupe islamiste Al-Shabab, affilié à Al-Qaïda.

Bien que les données précises sur les homicides soient difficiles à obtenir, les attentats à la bombe et les attaques complexes perpétrés par Al-Shabab dans les zones centrales de Mogadiscio font régulièrement des dizaines, voire des centaines de victimes. L'attentat du 14 octobre 2017, qui a fait plus de 500 morts, reste le plus meurtrier de l'histoire du pays et illustre la capacité de nuisance intacte du groupe terroriste malgré les efforts internationaux pour le contenir.

La gouvernance urbaine à Mogadiscio s'articule autour d'un système fragmenté où l'autorité se négocie constamment entre le gouvernement fédéral, soutenu par la communauté internationale mais à la légitimité contestée, les milices claniques qui contrôlent certains quartiers, et les cellules dormantes d'Al-Shabab qui infiltrent l'ensemble du tissu urbain. Cette constellation d'acteurs armés crée une situation d'insécurité permanente où les civils doivent naviguer entre différentes allégeances pour assurer leur survie quotidienne.

Kaboul : entre attentats terroristes et instabilité politique

Kaboul, capitale de l'Afghanistan, a connu des transformations dramatiques ces dernières années, notamment depuis le retrait des forces occidentales et le retour au pouvoir des Talibans en août 2021. Pendant les deux décennies de présence internationale (2001-2021), la ville était régulièrement frappée par des attentats spectaculaires revendiqués par les Talibans ou la branche locale de l'État islamique (ISKP), visant principalement les infrastructures gouvernementales, les forces de sécurité et les institutions occidentales.

Le paradoxe actuel réside dans la transformation de la nature de l'insécurité : si les attentats à grande échelle ont diminué depuis la prise de pouvoir des Talibans, l'insécurité juridique et la répression des libertés fondamentales ont considérablement augmenté. Les femmes, particulièrement visées par les restrictions talibanes, ont vu leur mobilité urbaine drastiquement réduite, créant une forme d'invisibilisation forcée dans l'espace public. L'État islamique province du Khorasan (ISKP) reste néanmoins actif, ciblant notamment la minorité chiite hazara lors d'attaques meurtrières.

L'effondrement économique consécutif au gel des avoirs afghans à l'étranger et à la suspension de l'aide internationale a plongé plus de 90% de la population dans l'insécurité alimentaire. Cette précarité extrême alimente une criminalité de subsistance - vols, cambriolages, enlèvements contre rançon - qui s'ajoute à la violence politique pour créer un environnement urbain profondément hostile.

Brésil et amérique latine : favelas et inégalités structurelles

Rio de janeiro : complexo do alemão et politique des UPP

Rio de Janeiro symbolise parfaitement la juxtaposition de deux réalités urbaines radicalement opposées : d'un côté, les quartiers touristiques de Copacabana et Ipanema aux immeubles luxueux; de l'autre, les favelas accrochées aux collines où s'entassent des millions d'habitants dans des conditions précaires. Cette fracture spatiale se traduit par une géographie de la violence très contrastée, les quartiers sud affichant des taux d'homicides comparables à ceux de villes européennes, tandis que certaines favelas dépassent les 60 homicides pour 100 000 habitants.

Le Complexo do Alemão, conglomérat de 13 favelas abritant plus de 70 000 habitants, est devenu l'emblème de cette violence urbaine structurelle. Longtemps contrôlé par le Comando Vermelho, l'un des principaux gangs brésiliens, ce territoire a fait l'objet d'une opération militaire spectaculaire en 2010, impliquant 2 600 policiers et militaires appuyés par des blindés et des hélicoptères. Cette démonstration de force s'inscrivait dans la politique des Unités de Police Pacificatrice (UPP), tentative de reconquête territoriale des favelas en vue des Jeux Olympiques de 2016.

Initialement saluée comme un succès, la politique des UPP a progressivement révélé ses limites. L'approche essentiellement militarisée, non accompagnée d'investissements sociaux significatifs, n'a pas résolu les problèmes structurels d'exclusion et de pauvreté qui alimentent la criminalité. Depuis 2016, on assiste à un retour progressif des gangs dans de nombreuses favelas "pacifiées", avec une résurgence des affrontements armés qui transforment régulièrement certains quartiers en zones de guerre urbaine.

Medellin : héritage de pablo escobar et transformation urbaine

Medellin, deuxième ville de Colombie, offre un rare exemple de réduction drastique de la violence urbaine. Dans les années 1990, au plus fort de la guerre entre le cartel de Medellin dirigé par Pablo Escobar et les forces gouvernementales, la ville affichait un taux d'homicides stratosphérique de 380 pour 100 000 habitants, faisant d'elle la ville la plus dangereuse du monde. Trente ans plus tard, ce taux est tombé sous la barre des 20, une transformation spectaculaire qui fait figure de modèle dans la région.

Cette métamorphose s'est appuyée sur un urbanisme social innovant initié par plusieurs administrations municipales successives. Le symbole le plus visible de cette approche est le système de métrocables - téléphériques urbains reliant les quartiers périphériques situés à flanc de montagne au réseau de transport métropolitain. Ces infrastructures ont non seulement désenclavé des communautés marginalisées mais ont également été accompagnées de projets d'amélioration intégrée avec des bibliothèques publiques monumentales, des parcs et des centres communautaires dans les zones les plus défavorisées.

L'expérience de Medellin démontre l'importance d'une approche multidimensionnelle combinant reconquête sécuritaire, inclusion socio-économique et transformation symbolique de l'espace urbain. Toutefois, des défis persistent : certains quartiers restent sous l'emprise de structures criminelles désormais plus discrètes mais toujours influentes, tandis que les inégalités socio-économiques demeurent parmi les plus élevées d'Amérique latine.

San salvador : phénomène des maras et politiques sécuritaires controversées

San Salvador, capitale du Salvador, est devenue l'épicentre du phénomène des maras, gangs transnationaux dont les plus puissants sont la Mara Salvatrucha (MS-13) et le Barrio 18. Ces structures criminelles, nées dans les quartiers latinos de Los Angeles et "importées" au Salvador par les déportations massives de migrants criminalisés dans les années 1990, ont progressivement pris le contrôle de quartiers entiers, imposant un système d'extorsion généralisé qui paralyse l'économie locale.

Face à cette situation critique, le gouvernement de Nayib Bukele a lancé en mars 2022 une offensive sécuritaire sans précédent, déclarant l'état d'urgence et procédant à l'arrestation massive de plus de 70 000 suspects en un an. Cette politique de mano super dura (main ultra-ferme) a conduit à une réduction spectaculaire des homicides, le taux passant de 36 à moins de 8 pour 100 000 habitants en quelques mois, transformant l'une des villes les plus dangereuses d'Amérique centrale en l'une des plus sûres de la région, du moins en apparence.

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